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28 novembre 2011

une terrible beauté / 3 - Les papillons

Ecrite à l'occasion du concours de nouvelles "Telerama" + "La biennale de Lyon", la nouvelle devait comporter exactement 2011 signes (si si, vous pouvez compter). Le thème était : une terrible beauté est née. Je n'ai pas été sélectionnée, bouuuuuuu....

Alors, à vous d'en profiter.

 

Les papillons

 

La nuit se tait, lourde, immobile. Seul le compteur crépite, anxiogène. J’ai trop bu.
Des papillons dansent, étincellent.

La lune se délave, la nuit coule, les papillons s’étiolent. Je sombre.

Le jour brûle, me harcèle. Je me lève. Orie me fixe-fusille derrière la fenêtre de sa
cuisine. Elle déteste mes nuits-cuites.

Chaque soir ils reviennent, brillent aussi pour Orie. Ils virevoltent multiples joyeux.
Nous admirons ensemble l’envol phosphorescent puis nous couchons.

Les ailes vert fluoré allument les pixels d’un tableau mouvant palpitant. Je scotche,
fasciné par ce spectacle électrique. Ils sont si nombreux que la nuit pâlit. Orie flippe.

L’hiver est là. Le froid ne les a pas dispersés. Nous n’osons plus sortir les observer
le soir, ils pullulent. Population exponentielle d’insectes aux proportions surnaturelles. Je flippe.

Orie enquête sur le net. L’espèce n’est pas répertoriée. Nous postons sur le site du ministère des affaires sanitaires de timides s.o.s.

Les nuits s’étirent sans dormir. Le jour, un ballet empoté s’ébat sur la neige.
Des chercheurs, empaquetés de blanc, masqués, repèrent larves et nymphes
pour les exterminer.

Plus personne ne vient. Restent les papillons, hétérocères terrifiants, envahisseurs
irradiés, dégénérés. Au soleil du printemps je les tue. Fantassin dérisoire.
Orie, elle, ne sort plus. Elle ne peut fouler le tapis d’ailes grouillant qui souille notre jardin.

Fenêtres obstruées, la nuit devenue verte suffoque. J’épie dans le noir le fouet des
battements incessants. La vibration alaire, assourdissante, étouffe le crépitement
devenu rassurant du compteur de particules.

Les papillons demeurent, croissent. Les scientifiques se sont envolés. Sur le net : rien.
Nulle trace de nos mutants lépidoptères, hormis la photo d’un étrange papillon vert, phosphorescent, sur le blog obscur d’un jeune gars à deux-cents kilomètres de là...

Je serre la main d’Orie. Nous ne partirons plus. Je regarde danser sous ma fenêtre brisée les plus beaux papillons que la terre ait porté.

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